courbet

« Ce qu’on a trouvé est extraordinaire, et la manière dont on l’a trouvé est encore plus improbable », confie, ému, Pierre-Emmanuel Guilleray, conservateur de la Bibliothèque municipale. C’est en effet un trésor caché dans le grenier de la bibliothèque qui est découvert le 15 novembre 2023 : 25 lettres d’une « personnalité célèbre du XIXe siècle » et 91 de sa correspondante, Mathilde Carly de Svazzema. « On découvre très vite qu’il s’agit de Gustave Courbet, et on comprend aussi pourquoi ces échanges sont restés cachés pendant 120 ans, puisqu’elles révèlent un Gustave Courbet jusqu’alors inconnu, à la croisé de l’art et de l’érotisme, donnant un aperçu intime et fascinant de l’un des maîtres du réalisme », poursuit le conservateur.

Un secret bien gardé

A l’époque où l’un des deux exécuteurs testamentaires sauve cette correspondance et la remet à la bibliothèque, trente ans après la mort du peintre, les risques d’atteinte à la vie privée et de scandale pour les descendants sont encore grands. « On ne pouvait pas les mettre en difficulté ni ternir l’image de l’artiste, aussi les lettres ont été mises de côté, mais pendant si longtemps qu’on les a oubliées ! La bibliothèque va déménager d’ici trois ans et c’est en vidant les placards que nous sommes tombés sur ces merveilles. Le temps a passé, les réserves de l’époque sont révolues, nous pouvons désormais publier ces lettres qui sont devenues des documents historiques, qui dévoilent non seulement la vie intime de Courbet dans une période très difficile pour lui, mais aussi des liens avec ses peintures. »

Un parfum de scandale

Mathilde Carly de Svazzema est comme Courbet, mais pour d’autres raisons, dans une situation compliquée. Nous sommes après la Commune, son mari vient de la quitter, elle a peu de ressources. Elle se présente au peintre comme une admiratrice. Lui à Ornans, elle à Paris, ils vont entamer une correspondance et nouer une relation très forte, très intime, uniquement épistolaire. Ils échangent environ 130 lettres pendant un peu plus de 5 mois entre fin novembre 1872 et début mai 1873. « Leur contenu est explicite, sexuel, érotique, sans tabous, sulfureux. Il n’en parle jamais dans les lettres, mais on pense immédiatement à l’Origine du monde, car les parallèles sont nombreux. Le tableau aussi est resté caché 130 ans avant d’être exposé, d’abord à Ornans, puis à Orsay. » Mathilde est-elle le modèle du tableau ? « C’est très peu probable, a priori, une identification convaincante, grâce là aussi à une correspondance, a démontré que le modèle était a priori une danseuse de l’opéra, alors que Mathilde, issue de la bonne société, de la moyenne bourgeoisie, était loin de la vie de bohème… »

Une exposition et un livre

« La Ville est très fière de posséder ce trésor qui révèle une nouvelle facette de Courbet, se réjouit Juliette Sorlin, conseillère municipales déléguées aux bibliothèques, archives, création et animation culturelles. Nous pourrons le découvrir à la bibliothèque municipale du 21 mars au 24 septembre, pendant l’exposition qui lui sera consacrée, intitulée Courbet, les lettres cachées, l’histoire d’un trésor retrouvé. La transcription intégrale et commentée de ces textes sera par ailleurs publiée chez Gallimard en coédition avec la Ville ».

Partager cet article :