Patrick Giraudoux : de la recherche locale à l’influence internationale
Résoudre les grandes crises environnementales mondiales sans croiser les disciplines ? Pour Patrick Giraudoux, c’est impossible. Professeur émérite d’écologie à l’Université Marie et Louis Pasteur, il a fait de l’interdisciplinarité le fil rouge de sa carrière. Une approche qui lui a valu de participer au prestigieux rapport mondial Nexus*, révélant les liens profonds entre biodiversité, santé, alimentation, eau et climat.
Tout a commencé à la fin des années 1980. À l’époque, la prolifération de campagnols dans le Haut-Doubs inquiète et ravive la peur de contracter l’échinococcose alvéolaire transmise par le renard. Les travaux du chercheur sur les interactions entre agriculture, santé humaine et faune sauvage révèleront la véritable source du problème – un équilibre perturbé par une modification des pratiques humaines dans les années 60 – Cette découverte permettra surtout d’apporter une réponse adaptée au problème. « Le Vivant est un tout indissociable, argumente Patrick Giraudoux. Agir sur l’une de ses composantes, c’est impacter le système tout entier. C’est pourquoi il sera toujours essentiel de faire dialoguer les preuves scientifiques avec les indices récoltés sur le terrain pour viser au plus juste ». Écrite dans la foulée, sa thèse consacrée à la transmission de l’échinococcose alvéolaire lui ouvre les portes de la Chine, confrontée au problème et preneuse d’une vision globale et raisonnée. Et c’est cette même vision qui conduira le Bisontin à intégrer l’équipe internationale du rapport Nexus.
Le changement viendra du local
Trois ans de travail, avec 164 experts de tous horizons : « c’était fluide, stimulant, presque évident », se souvient Patrick Giraudoux. Le rapport, présenté en Namibie et validé par les 147 États membres, propose 75 pistes d’actions concrètes pour relever les défis des crises mondiales, toutes interconnectées en matière de biodiversité, d’eau, d’alimentation, de santé et de changement climatique.
Pour le scientifique, les crises environnementales actuelles étaient prévisibles. « Cela fait 30 ans qu’on alerte. Désormais, plus personne ne pourra dire qu’il ne savait pas », affirme-t-il. Mais le vrai changement viendra des citoyens et du local », insiste-t-il. En Franche-Comté, agriculteurs et chercheurs collaborent déjà pour préserver les ressources et les écosystèmes. Et pour Patrick Giraudoux, c’est cette intelligence collective qui fera la différence : « Nous sommes tous acteurs du changement. Il faut se rencontrer, croiser les idées, les savoirs et agir ensemble. Il en va de la responsabilité de chacun ».
*Nexus est le rapport d’évaluation mondial sur les liens entre la biodiversité, l’eau, l’alimentation et la santé. Il offre aux décideurs du monde entier la formalisation inédite d’un consensus scientifique sur les interdépendances entre ces entités et explore plus de 70 options de réponse face aux défis en cascade qui leur sont liés. Patrick Giraudoux, spécialiste des interactions, leader sur les aspects santé et biodiversité, a joué un rôle clé dans la rédaction du premier chapitre.
