Yves Ravey, grand écrivain et bisontin

Avec Taomine (Éditions de Minuit), Yves Ravey offre un 18e roman grinçant qui a été sélectionné pour les premières listes des prestigieux prix littéraires du Goncourt, du Renaudot et du Femina*.

Vous aviez 36 ans à la parution de votre 1er roman, tout en étant enseignant au collège Stendhal à Besançon. Comment avez-vous pu mener ces deux carrières ensuite ?

YR : Vous me saisissez dans toute ma nostalgie, car je ne peux entendre ce terme, collège Stendhal, sans que me reviennent mes années de bonheur. Ce bonheur s’est manifesté sur deux plans : d’abord, j’ai réalisé que je pouvais lier mon travail d’enseignant et celui d’auteur. Puis ‘écriture du roman était distincte de l’écriture du cours et qu’elles pouvaient toutes deux se mener de front, l’une la nuit et l’autre le jour. J’ai eu de la chance, j’ai enseigné pendant un certain temps les lettres et les arts plastiques. Comme si la pratique de l’écriture reliait littérature et réflexion sur l’image. Mes souvenirs les plus chers sont nés de ces décloisonnements. Et mes relations avec mes élèves me manquent.

Vous n’avez jamais quitté votre ville natale et la région : sont-elles sources d’inspiration, même sans apparaître dans vos ouvrages ?

Quand je pense à Besançon, je pense au mot géographie suivi du mot paysage. Il en faut peu pour constater que les lieux décrits dans mes romans sont traversés par des images qui évoquent de manière éphémère dans le texte la ville et sa région. Il y a là où j’habite l’idée de frontière pas très loin, de climat, de culture, d’horlogerie, de tradition ouvrière intelligente, qui évoque la précision des mécanismes et de la pensée. Ici, la pierre est bleue, les toits sont des surfaces géométriques.

Aujourd’hui, le quotidien d’Yves Ravey et retraité de l’éducation nationale, c’est quoi ?

Désormais, mes romans s’inscrivent le jour, c’est un privilège. Je suis libéré des contraintes pédagogiques et je n’ai pas d’heure pour goûter comme le l’entends à une promenade sur les rives du Doubs. Je me suis rendu compte d’une forme d’habitude qui me lie aujourd’hui à la continuité du paysage, dont je ne peux traduire la réalité sous cette forme géographique : la ligne de courbe du Doubs du côté d’Avanne direction Montferrand-le-Château, l’évolution de la ligne d’ombre violette sur les berges, les chemins qui me conduisent aux fortifications au-dessus de la Boucle, les arcs des ponts, les cubes de Planoise. C’est tout cela tenter de continuer.

*Les résultats ne sont pas connus à l’heure où nous publions cet article

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