Clémentine Fritsch : médaille de bronze du CNRS

Ecotoxicologue au laboratoire Chrono Environnement, unité mixte de recherche du CNRS et de l’UFC, Clémentine Fritsch vient de voir ses travaux de recherche sur les transferts et les effets de polluants sur la faune sauvage récompensés par un prix prestigieux.

Vous venez de recevoir la Médaille de Bronze 2023 du CNRS : votre réaction ?

Une surprise totale ! Je la reçois comme un bel encouragement à poursuivre et une distinction qui s’adresse aussi aux collègues avec qui nous travaillons et à l’ensemble du laboratoire. Je me félicite qu’une autre médaille, la Médaille d’Or, ait été décernée dans le même domaine, l’écologie.

Comment procédez-vous ?

J’étudie les transferts des polluants (métaux lourds de sites industriels et pesticides actuels) dans les écosystèmes terrestres et leurs effets sur la faune sauvage. Sur le terrain, je capture des petits mammifères, des oiseaux, dans la région, et dans d’autres sites ateliers et zones ateliers en France ou à l’étranger. Je développe avec mes collègues des approches non létales et des méthodes de prélèvements (sang, plumes, poils) peu invasives afin de mesurer l’exposition et les réponses des organismes aux substances toxiques, du terrain au laboratoire. Nous récoltons un grand nombre de données qu’il faut analyser, cartographier, recouper, interpréter… Cela suppose un travail interdisciplinaire avec des chimistes, des sociologues toxicologues, des biomathématiciens…

Quelles sont les conclusions de votre recherche ?

Prenons le cas des musaraignes. Nous avons détecté plus de 60 molécules de pesticides, anciens ou récents, accumulées dans leur organisme ! Concernant le glyphosate, nous mesurons des résidus de cet herbicide chez un petit mammifère sur deux dans les populations sauvages agricoles, qu’il soit carnivore ou herbivore, y compris dans des zones a priori non traitées, comme des haies ou des prairies. Nos résultats soulignent qu’il n’y a actuellement pas assez de zones non traitées à l’échelle des paysages agricoles pour constituer des « zones refuges » pour la biodiversité. Dans certains cas, les concentrations mesurées chez les animaux sont assez élevées pour atteindre des seuils de toxicité. Nous manquons encore de connaissances pour quantifier et pour évaluer très précisément l’impact à long terme de cette exposition à des mélanges de substances sur les populations de petits mammifères et oiseaux agricoles. De nouveaux projets de recherche sont donc en cours pour étudier les « effets cocktails » de ces expositions multiples, en se basant sur des expérimentations en laboratoire, nos observations de terrain, et des outils de modélisation.

Le gouvernement suspend le plan Ecophyto, qu’en pensez-vous ?

Nous avons publié une tribune dans Le Monde avec des collègues. Plusieurs annonces des membres du gouvernement amènent les chercheuses et chercheurs dans le domaine de l’environnement à s’inquiéter. Ces changements de trajectoire vis-à-vis des objectifs de transition pour assurer la protection de la santé et des écosystèmes nous alarment, alors même que les plans en place étaient déjà insuffisants. Pourtant, au-delà des obligations réglementaires, ces objectifs sont cruciaux pour nos sociétés et les futures générations. Le poids accordé aux connaissances scientifiques dans la mise en balance des informations et des intérêts en présence pour la prise de décision nous préoccupe fortement.

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