Violences à l’égard des femmes : accompagner les victimes vers une nouvelle vie

Les chiffres donnent le tournis, si ce n’est la nausée. En France, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son (ex-)conjoint, et plus d’une sur 6 déclare avoir subi des violences physiques. La lutte contre ce fléau repose donc sur la vigilance de l’ensemble de la société. À travers une politique déployée avec ses partenaires, la Ville de Besançon apporte sa pierre à l’édifice pour accompagner les victimes sur leur parcours vers la sortie des violences.

En 2023, les forces de l’ordre ont enregistré 114 100 victimes de violences sexuelles dont 85 % étaient des femmes. L’année précédente, sur 37 800 personnes condamnées pour des violences au sein du couple, 94 % étaient des hommes. Il y a aussi les violences psychologiques ou économiques, les humiliations verbales, le contrôle de la vie sociale, le harcèlement de rue ou en ligne… Ces violences – qui touchent aussi les éventuels enfants du foyer – concernent toutes les couches sociales et tous les milieux de vie : famille, école, travail, internet…

Aux racines des violences faites aux femmes, il y a le sexisme. Fondée sur l’inégalité supposée entre femmes et hommes, cette représentation du monde est à l’origine de violences allant des plus anodines en apparence aux plus graves. Cela commence par des blagues ou des préjugés, comme l’adage « femme au volant, mort au tournant », aussi persistant qu’erroné : en 2023, 83 % des accidents mortels en France étaient causés par des hommes. Cela se poursuit par les violences psychologiques ou économiques (par exemple, selon la CAF, 30 à 40 % des pensions alimentaires sont impayées). Dans les cas les plus graves, il y a les atteintes sexuelles et physiques, allant jusqu’au féminicide. Ces violences ont de nombreuses conséquences pour les victimes qui y survivent : blessures, maladies induites, troubles psychologiques… Autant de facteurs qui fragilisent et isolent. Or, c’est justement quand les victimes sont accompagnées qu’elles peuvent amorcer leur parcours vers la sortie des violences.

Étape 1 : Ne pas rester seule

Dans les cas les plus graves, ce parcours peut malheureusement commencer à l’hôpital. « Les services du CHU de Besançon sont sensibilisés au sujet des violences conjugales et formés pour repérer les femmes qui en sont victimes, qu’elles soient venues pour ce motif ou non, explique Élisabeth Martin, Cheffe du Service de médecine légale et victimologie.

Nous évaluons alors la situation et orientons la victime vers les démarches qu’elle peut engager, notamment auprès d’associations comme Solidarité Femmes ou France Victimes qui tiennent, par ailleurs, des permanences dans nos murs. Nous agissons dans une logique de réseau, car la réponse ne peut être que collective. Si nous estimons qu’il y a un danger immédiat, nous faisons un signalement. Par la suite, nous proposons à la victime un accompagnement psychologique dans la durée pour y voir plus clair sur les épisodes de violence, passés ou en cours. » « Au sein du Pôle mère-femme, la question des violences est systématiquement posée, lors de toute consultation ou hospitalisation, enchaîne Anne Baseggio, cadre sage-femme.

Nous pouvons procéder à des hospitalisations sous confidentialité et 2 lits sont réservés pour la mise sous protection. Par ailleurs, en 2023, le service social du CHU a accompagné 59 patientes et 19 salariées de l’hôpital ayant été victimes de violences. À noter qu’une convention avec la police et la justice permet le dépôt de plainte dans nos murs. » Au-delà des enjeux de santé, se pose aussi la question financière de la prise en charge des victimes. « En France, le coût annuel des violences au sein du couple et des incidences sur les enfants a été estimé à 3,6 milliards d’euros, en 2012, évoque Élisabeth Martin ».

Dès avant un passage à l’hôpital, une victime peut être écoutée et aidée pour briser le cycle de la violence. Ce premier pas peut notamment se faire avec l’appui d’un professionnel de santé, d’un travailleur social ou encore d’associations. « En 2023, nous avons rencontré ou accompagné 330 adultes dont 98,8 % de femmes, explique Marion Desvignes, chargée de mission au sein de Solidarité Femmes 25. En premier lieu, nous assurons un accueil au téléphone ou dans nos locaux, accessibles sans rendez-vous et de façon anonyme. Le premier échange rompt l’isolement de la victime et lui permet de mettre des mots sur son vécu, de l’informer sur ses droits et de la déculpabiliser avec ce message : la violence n’est jamais acceptable. Nous évaluons avec elle les démarches à entreprendre. Si la femme le souhaite, nous engageons avec elle un accompagnement dans la durée. »

Étape 2 : Se mettre en sécurité

Pour les victimes, il peut se poser la question de la recherche d’un nouvel hébergement afin de quitter le contexte de violences conjugales et se protéger. Il y a les solutions d’urgence comme le 115. Grâce à Solidarités Femmes, il est aussi possible de se tourner vers un logement de transition. « Notre Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) dispose de 33 places réparties au sein de 10 appartements sous adresse confidentielle, évoque Marion Desvignes. En 2023, nous avons hébergé 30 femmes pour une durée moyenne de 10 mois. Le CHRS a aussi accueilli 38 enfants. Quel que soit leur âge, ce sont des victimes à part entière. C’est pourquoi nous leur proposons un accompagnement spécifique autour de ce qu’ils ont vécu et des traumatismes liés aux violences. »

Au-delà de l’accompagnement psychosocial se posent inévitablement les questions juridiques. Dans ce domaine, les victimes peuvent s’appuyer sur le CIDFF (Centre d’information sur les droits des femmes et des familles). « Chaque année, nos juristes réalisent 2 000 entretiens sur des questions de droit, détaille Carole Ely, Directrice. Un tiers des femmes reçues finissent par nous parler de violences intrafamiliales, passées ou présentes. En respectant leur temporalité, nous les aidons, si elles le souhaitent, à déposer plainte avec la possibilité de les accompagner. À Besançon, police et gendarmerie ont fait beaucoup de progrès en la matière. Le commissariat de la Gare d’eau dispose d’un psychologue qui peut recevoir les plaignantes. De son côté, le parquet – très mobilisé sur le sujet – se saisit fréquemment de l’ordonnance de protection. Il s’agit d’une mesure prise en urgence pour protéger, dans un délai court, la femme et ses éventuels enfants, sans avoir à déposer plainte. Nous échangeons aussi avec France Victimes 25 qui intervient sur les questions pénales, comme l’attribution de téléphones grave danger par le parquet. ». Ces appareils permettent de passer un appel considéré comme une urgence absolue par les forces de l’ordre.

Étape 3 : Retrouver son indépendance

Au-delà de la question de la mise en sécurité de la victime, il convient de lui donner l’écoute nécessaire, le temps et les moyens de se projeter vers une nouvelle vie. « Notre accompagnement par des travailleuses sociales, spécifiquement formées aux violences conjugales, porte aussi sur les diverses démarches à engager, explique Marion Desvignes : préparation à la séparation si la victime le souhaite, suivi psychologique, soutien à la parentalité, etc. La question de l’insertion en général est aussi centrale pour asseoir la stabilisation émotionnelle des victimes qui ont souvent été démolies psychologiquement. Cela passe par les démarches d’accès aux droits, aux ressources et à l’emploi. » Une étape-clé qui peut également relever du CIDFF. « Nous apportons un accompagnement administratif et juridique sur les questions du quotidien, explique Carole Ely : pension alimentaire, garde d’enfant, patrimoine, etc. Et pour aller plus loin sur le chemin de l’autonomie, nous avons un service dédié au retour à l’emploi et à la formation. »

Le 25 novembre, on dit stop aux violences

Dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des minorités de genre, le 25 novembre, un collectif réuni par l’association de préfiguration de la Maison des Femmes pour l’Égalité propose de nombreux rendez-vous, du 13 au 29 novembre. Expositions, débats, films, conférences, escape game seront autant d’occasions de s’informer sur le sujet. À noter la manifestation contre les violences patriarcales, le 23 novembre (14 h), Esplanade des Droits de l’Homme (et de la Femme, donc).

Programme complet : solidaritefemmes25.orgdoubs.cidff.info

Étape 0 : Prendre le mal à la racine

On le voit : le parcours de sortie des violences est (très) long. C’est pourquoi il convient de développer la prévention. Et il y a du travail ! « Nous accueillons sans cesse de nouvelles victimes, constate Marion Desvignes : en 2023, 85 % des personnes reçues venaient nous voir pour la première fois. La prévention et l’information sont donc primordiales. » Même constat chez le CIDFF. « Avec nos partenaires – Solidarité Femmes, Ville de Besançon, Réseau Léo-Lagrange, Centre d’Information et de Consultation sur la Sexualité (CICS)… –, nous menons des actions à destination de divers publics, évoque Carole Ely. Dans les écoles, nous intervenons sur les questions d’égalité femmes-hommes et de respect mutuel. Dans les collèges et lycées ou dans l’enseignement supérieur, nous abordons les stéréotypes de genre, le consentement ou les violences. Nous formons aussi des professionnels – santé, éducation, police, gendarmerie, travail social… – pour mieux repérer, orienter et/ou accompagner les victimes. »

La promotion de l’égalité femmes-hommes peut aussi emprunter d’autres voies. « Dans nos écoles où, suite à des ateliers de réflexion avec les enfants, nous avons redistribué les usages des cours de récréation, en remplaçant le traditionnel terrain de foot, on observe des relations apaisées, note Valérie Haller, Conseillère municipale déléguée à la lutte contre les discriminations et aux droits des femmes. La Ville a aussi initié, avec le CIDFF, l’opération Où est Angela ? qui permet de lutter et de sensibiliser contre le harcèlement de rue, en partenariat avec près de 70 commerces, restaurants, bars et le réseau Ginko» « La Ville se veut aussi exemplaire en tant qu’employeur, poursuit Élise Aebischer, Adjointe en charge des relations aux usagers, des ressources humaines, de l’égalité femmes-hommes. Nous avons ainsi des fiches de liaison qui permettent à nos agents de signaler des violences qui leur sont faites, en interne ou en externe. Les violences sexistes en font partie et leurs victimes sont écoutées. »

Étape 2026 : La Maison des Femmes

En résumé, le parcours de sortie des violences intrafamiliales passe par la mise en sécurité des victimes, par leur accompagnement vers une vie nouvelle, mais aussi par la prévention. Toutes ces dimensions – et bien d’autres ! – seront au cœur de la future Maison des Femmes, devant ouvrir ses portes en 2026.

« Porté par Solidarité Femmes et le CIDFF, à qui nous apportons un soutien technique et financier, ce projet sera hébergé dans une ancienne Résidence Autonomie, rue Jean-Wyrsch, évoque Valérie Haller. La Ville se charge de la rénovation du bâtiment en ayant intégré les besoins des structures hébergées. Celles-ci disposeront de 1 135 m² pour accueillir leurs publics. La réhabilitation et l’aménagement des locaux représentent un investissement de 1,75 M€. Il a été décidé d’en ouvrir le financement aux citoyens (voir encadré) et le reste sera financé par la Ville qui devrait bénéficier de subventions de l’État, de la Région et du Département. »

« Ce lieu-ressource – qui aura un rayonnement départemental – simplifiera le parcours des victimes de violences intrafamiliales, relève Carole Ely. Leur accompagnement restera une de nos missions fondamentales. Cela étant, la Maison des Femmes pour l’Égalité vise une prise en charge pluridisciplinaire de nos publics, quelles que soient leurs difficultés. Outre les locaux du CIDFF, de Solidarité Femmes, de Femmes Égalité Emploi (FETE) et du Mouvement du Nid, le bâtiment accueillera des permanences du CICS, de France Victimes et d’autres. À travers son approche transversale, la Maison constitue ainsi un projet pour une société plus juste pour toutes, dès maintenant et pour les générations futures. »

Donnez du sens à votre épargne

La Ville de Besançon ouvre aux citoyens le financement des travaux de la Maison des Femmes. Il est possible de participer jusqu’à 4 000 €. Le prêt sera remboursé sur 4 ans avec un taux d’intérêt annuel de 4 %. Pour cette levée de fonds solidaire, visant un objectif de 400 000 €, la Ville a choisi la plateforme Villyz. À noter que, via leurs sites respectifs, il est aussi possible de faire un don aux associations d’aides aux victimes.

Plus d’infos : villyz.fr.

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