Cirque Plume … restera la poésie

Tout a été dit sur ces rêveurs qui, au début des années 1980, ont tourné le dos au « Cirque à papa », fait d’animaux dressés, de clowns et de Monsieur Loyal. Dès leur premier spectacle, répété entre Chay et Besançon, la virtuosité se mettait au service d’une histoire faite d’émotions, de rires et de poésie.
La Dernière saison, leur onzième création, était leur révérence annoncée pour 2020, après trois ans de tournée. Histoire de boucler la boucle, les ultimes représentations étaient programmées à Besançon. Le Covid sera venu gâcher la fête et sonner prématurément l’heure d’un bilan impossible à dresser, tant l’aventure collective des « Plume » aura révolutionné le cirque.

Décembre 1983, une petite troupe présente Amour, jonglage et falbalas sous un chapiteau planté dans la cour du Centre Pierre Bayle. Ce spectacle, notamment répété à la MJC de Palente, sera la première création du Cirque Plume. « On est parti de rien, avec rien, résume Bernard Kudlak, cofondateur et directeur de la compagnie. Encore aujourd’hui, je reste étonné que nous ayons pu réaliser et faire durer ce rêve d’artiste. Notre aventure trouve son origine à la fin des années 1970. À l’époque, le cirque dépendait encore du Ministère de… l’agriculture. C’est en 1978 qu’il rejoindra le giron de la culture et entamera peu à peu sa mutation. »

PAS D’ANIMAUX, PLUS D’ÂME

À partir du milieu des années 1980, les Plume et quelques autres cirques donneront le tempo du « Nouveau Cirque » où viennent se mêler musique, danse et théâtre pour embarquer le public dans une histoire au long cours. Cette transdisciplinarité sera la clé de voûte des spectacles de Plume qui trouvent leur inspiration loin de la piste aux étoiles. « Même si nous avons dessiné une nouvelle esthétique du cirque, nous restons les passeurs d’une poésie qui existait bien avant nous, souligne « Monsieur Plume ». Parmi nos références, citons Marc Chagall, Henry Miller, Andreï Tarkovski ou Hermann Hesse. En remontant plus loin, je dirais que l’humain porte un désir de création et de poésie qu’on retrouve sur les murs de la grotte de Lascaux. C’est ce même désir qui nous a animés et que nous avons voulu partager avec un public aussi large et varié que
possible. »
Le Nouveau Cirque se caractérise notamment par l’absence de fauves qui sautent à travers des cercles de feu ou de chimpanzés qui tournent sur des monocycles. Côté Plume, cette révolution copernicienne sera symbolisée par No Animo Mas Anima (« Pas d’animaux, plus d’âme »), le troisième spectacle (1990-1992). La troupe change alors d’échelle, en achetant un chapiteau de 850 places. L’investissement n’est pas sans risque, mais la création cartonne en Europe.

Dès lors, Plume joue dans la cour des grands, mais chaque nouvelle création est une prise de risque pour la compagnie devenue une PME artistique : une cinquantaine de personnes participent à la création de Plic Ploc (2004-2008). « Tous les quatre ans, on relançait les dés, évoque Bernard Kudlak. A chaque fois, on se mettait en danger de mort… et donc en état de vie ! Cela dit, c’est la raison pour laquelle le Cirque n’a pas été repris : avec une structure d’une telle taille, le risque financier aurait été trop grand pour une nouvelle équipe. » Le constat fait écho à la mise en faillite récente du Cirque du Soleil, en lien avec la crise sanitaire qui aura également eu raison de la tournée d’adieux de Plume.

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