Michel Bourreau : l’horloger qui bouscule le sens de l’équilibre

Horloger bordelais, Michel Bourreau a posé ses bagages en Suisse depuis bientôt dix ans suite à la rencontre de mécaniciens d’art et horlogers comme Vianney Halter, François Junod, Dominique Mouret ou Nicolas Court. Après avoir travaillé sur des pièces d’exception durant huit ans dans une manufacture de haute horlogerie à Fleurier (Suisse), Michel Bourreau et quelques amis ont monté l’association l’Horloge qui Penche. A l’occasion des 24 Heures du Temps, partez à sa rencontre…

Vous souvenez-vous de l’élément déclencheur de votre passion horlogère ?

Mon papa était horloger et dès l’âge de six ans il m’a toujours dit que j’avais commencé à utiliser son petit « tour d’horloger ». Donc c’est quelque chose qui est très profondément ancré en moi, mais peut-être un peu rebelle je n’ai pas voulu faire de l’horlogerie au départ. J’ai fait un baccalauréat en construction mécanique, et après quelques stages j’ai découvert l’univers d’une grande entreprise industrielle qui me semblait sans âme, alors je suis revenu à l’horlogerie à l’âge de 20 ans et j’ai fait une formation en apprentissage.

Je dis parfois que le français est ma langue maternelle, et la mécanique est ma langue paternelle.

Aujourd’hui je dirais que l’Horloge qui Penche est un projet qui a changé ma vie, un projet où j’ai vraiment la sensation, d’exprimer les choses les plus fondamentales qui me préoccupent par la mécanique. Arrivé à l’âge de 66 ans, il est grand temps de savoir ce qui vous préoccupe !

Comment qualifieriez-vous votre travail ?

C’est un travail de conception en mécanique, et plus exactement en mécanique d’art. C’est à dire exprimer quelque chose de l’ordre du culturel tout en obéissant aux règles fondamentales et incontournables de la mécanique. Mon expérience aujourd’hui me permet enfin d’exprimer, au travers de la mécanique, les sensations et les utopies qui résultent de toute une existence.

D’où vous vient l’inspiration pour vos créations ?

J’ai eu la chance de vivre mes 20 ans dans une période de relative insouciance, aujourd’hui cette insouciance nous coûte cher, l’avenir est incertain. Et j’éprouve le besoin de soutenir les jeunes générations face aux problèmes climatiques. Quel sens peut avoir une vie si ce n’est de préparer l’arrivée de nos successeurs ?

Pouvez-vous justement me parler de l’association l’Horloge qui Penche ?

Le but de l’association est, dans un premier temps, de créer une horloge très particulière dont le mécanisme est une métaphore de notre société. C’est-à-dire un mécanisme high-tech, sophistiqué, avec des rouages et des éléments qui sont toujours en mouvement comme notre monde d’aujourd’hui, extrêmement actif voire fébrile parfois. Ce mécanisme sera placé à l’intérieur d’une poutre en acier rouillé, prise dans un bloc de béton. Cette poutre penche pour indiquer la fragilité de tout notre système face aux changements climatiques. L’idée est de créer cet objet qui soit le vecteur de notre communication lors d’expositions. Aujourd’hui, on sait qu’on l’exposera au Musée du Temps à Besançon, au Musée International d’Horlogerie à la Chaux-de-Fonds, et on cherche d’autres lieux. On souhaite créer des événements pour présenter des conférences avec une vision positive porteuse de propositions d’avenir envisageables pour les futures générations. La finalité de « l’Horloge qui Penche » est d’impliquer dans le projet des partenaires industriels et bénévoles pour produire cette œuvre.

L’Horloge qui Penche est-elle une œuvre unique ?

Le concept est unique et comporte plusieurs solutions techniques originales. Cependant notre ambition est de créer au moins cinq horloges que l’on pourrait installer sur chaque continent. Compte tenu de l’importance de la mécanique d’art dans nos régions avec l’inscription des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art sur la liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’humanité par l’UNESCO, il serait possible de faire deux horloges en Europe : une en Suisse et une en France pour bien marquer cet aspect transfrontalier et ancrer la mécanique d’art dans l’Arc jurassien.

En quelques mots, comment caractériseriez-vous ce projet ?

Cinq mots nous guident. En tout premier, la bienveillance envers les jeunes générations. Ensuite, la convivance, une notion qui me plait beaucoup, c’est accepter d’autres regards, d’autres visions, dans un enrichissement permanent. Il y a aussi la notion de la rencontre, lorsque l’on met des personnes les unes avec les autres il se passe toujours quelque chose d’imprévu et d’extraordinaire. La quatrième est une notion très particulière que j’ai appelé émulation heureuse. Dans ce monde, je voudrais que ce projet ne soit pas une compétition entre les partenaires, mais une compétition pour faire le plus bel objet possible. La dernière idée à laquelle je tiens beaucoup, c’est la créativité : pour faire face aux problèmes, il faut faire preuve de créativité. C’est aussi ce qui existe dans le mécanisme, il est très original, très particulier.

En tant qu’horloger français en Suisse, partisan de la rencontre et de la collaboration, de quel œil voyez-vous le partenariat horloger franco-suisse ?

Construire une mécanique d’art ou une Utopie, ce qui compte c’est avec qui on la réalise et que le chemin soit beau.

Ce partenariat est pour moi extrêmement important et je pense qu’il n’y a pas de frontière en réalité. Je suis extrêmement sensible et motivé par l’idée de faire collaborer des personnes autour de projets. Faire en sorte que des personnes se rencontrent et qu’il se passe quelque chose m’a toujours tenu à cœur. L’un des objectifs de l’Horloge qui Penche, c’est bien de montrer cela et de faire communiquer des personnes entre elles. On a de nombreux partenaires, dont la Haute-Ecole Arc au Locle, Supmicrotech-ENSMM à Besançon, le CPNV à Sainte-Croix… Il faut oublier qu’il existe des frontières. Nous vivons tous sur une toute petite planète et il est important de savoir que l’on doit la partager.

Quels sont vos projets pour la suite au sein de l’association ?

Ce sont des projets extrêmement concrets. On a fait une maquette qui est fonctionnelle, reste à valider le choix des matériaux, les traitements de surface. La prochaine étape est de motiver des partenaires industriels pour produire l’objet. Ensuite, on présentera des conférences pour faire passer notre message à un large public.


Infos pratiques

Toutes les informations sur les 24H du temps sont à retrouver sur le site internet


Retrouvez plus d’informations sur l’association L’Horloge qui Penche sur leur site internet

Les partenaires :


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